Humour suisse generis

Cartes postales Plonk et Replonk

La Chaux-de-Fonds, en Suisse, est la ville natale de Le Corbusier, un des plus grands comiques de l’ère moderne, auteur de cette inénarrable boutade : « Là où naît l’ordre, naît le bien-être ». La barre de l’humour était placée tellement haut qu’il a fallu se mettre à plusieurs pour relever le défi. C’est ainsi qu’est né le collectif artistique Plonk et Replonk.

Plonk et Replonk sont d’infâmes corrupteur du sérieux, de vils dévoyeurs de la normalité. Le support essentiel de leurs forfaits : des cartes postales banales qu’ils tronquent, truquent et commentent jusqu’au loufoque. Il y a du Monty Python, option Terry Gilliam, du Gotlib et du Lewis Carroll chez ces étranges helvètes. Un humour absurde fait de détournements d’images et de collages, toujours associés à un court texte censé éclairer le lecteur mais qui pervertit encore plus la réalité. Chez ces créateurs fous, l’illustration et son commentaire sont indissociables. De leur imagination fertile sont nés de nombreux et réjouissants objets : livres, calendriers et objets cultes divers, à découvrir sur leur site : https://www.plonkreplonk.ch/

Et pour les paresseux de l’été 2018, les sans imagination épistolaire, l’indispensable collection de 15 cartes postales publiée chez Fluide Glacial, à envoyer à vos amis, s’il vous en reste, à votre famille, si vous n’êtes pas fâché avec elle, et même à vos ennemis si vous les cultivez (méfiez-vous quand même, cela pourrait vous réconcilier définitivement avec eux). Ou à conserver égoïstement, c’est possible aussi.

15 Belles Cartes Postales

Plonk et Replonk

Fluide Glacial – Audie

9,90 €

Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1813 du 27 septembre 2018

18 09 27 (1bis)

Les passants de la Butte

Lignes de désir

Montmartre est une carte postale où se croisent sans se voir les touristes pressés et les gens du cru. Le zinc éternel des anciens bistrots résiste comme il peut à l’invasion des fast-foods, les foules s’agglutinent sur les mêmes trottoirs de la rue des Abbesses et les marchands de souvenirs de la rue de Steinkerque attendent le gogo.

Astrid Waliszek est une familière de la Butte et de son petit monde. Elle publie Les lignes de désir, un ensemble de chroniques littéraires et photographiques montmartroises. Les lignes du désir sont ces raccourcis crées spontanément par les usagers dans l’espace public, en dehors des chemins imposés. Elles sont les symboles de liberté et d’échappée loin des sentiers trop fréquentés. C’est exactement ce que propose l’auteure : faire un pas de travers pour prendre le temps de se perdre dans le dédale des rues et des escaliers, au hasard des rencontres et des itinéraires bis, ter ou plus encore si affinité. Dans son sillage, on croise des chiens et des oiseaux, des passants fugaces et des patrons de bistro. Une enfant rit aux éclats, des acteurs hantent les théâtres et un chat disparaît. Le soleil brille, la pluie tombe, la nuit prend le contrôle de la cité. La colline vit à son rythme, ville dans la ville, avec son histoire, ses paradoxes, ses figures hautes en couleur et ses silhouettes anonymes. Ici, on est de la Butte comme on est d’un pays, comme on est d’une montagne, avec fierté mais sans ostentation, pour ne pas vexer les autres habitants de la capitale et les touristes égarés. Il ne faut pas hésiter à caler ses pas dans ceux d’Astrid Waliszek, à la suivre dans ses flâneries, à s’égarer avec elle dans ce labyrinthe, pour découvrir un peu de l’âme de ce coin de Paris si particulier.

Les lignes de Désir – Chroniques montmartroises

Astrid Waliszek

Jacques Flament

80 p – 20 €

Eaux magiques

L'enfant et la riviere

Pascalet habite en Provence avec ses parents. Un jour, ceux-ci s’absentent pour quelques temps et le confient à sa tante, qui a d’autres choses à faire que de surveiller son neveu. Attiré irrésistiblement par la rivière qui coule non loin de là, dont il a interdiction de s’approcher, l’enfant fugue et part à la découverte de cet espace sauvage tant fantasmé. Son escapade fluviale se transforme alors en un périple effrayant et merveilleux, en compagnie de Gatzo un gamin de son âge croisé en chemin. Dans cet univers aquatique plein de silences et de bruits, un poisson, un oiseau, une créature inconnue, tout est mystère ou émerveillement,

L’enfant et la rivière est un roman écrit en 1945 par Henri Bosco, transposé en bande dessinée par Xavier Coste. La Provence est un pays de lumières et de parfums. Le soleil écrasant, la fraîcheur de l’eau, le vert des cyprès, la limpidité d’un ciel de nuit étoilé, la douceur d’un matin calme, la légèreté d’une libellule, l’illustrateur a parfaitement su retranscrire toute la sensualité de cette région, grâce notamment à un usage subtil des couleurs, aussi riches et variées que les ambiances traversées par le jeune fugitif.

Au delà du plaisir des yeux que procure la lecture de l’ouvrage, L’enfant et la rivière est aussi un joli et émouvant récit initiatique. A travers le regard de l’apprenti aventurier, la petite évasion devient une odyssée onirique au long cours entre plages abandonnées, îles sauvages et falaises, à la découverte du monde, de la vie et de l’amitié. Un roman graphique plein de magie et de rêve.

L’enfant et la rivière

Xavier Coste, d’après le roman de Henri Bosco

Sarbacane

112 p – 19,50 €

La bande à Thomas

Des étoiles et des chiens

Quel rapport entre Louis Armstrong, Henri Calet, Frida Kahlo et Jean Rochefort ? Au moins un : il font partie de la bande à Thomas Vinau. Ce sont quelques un des subtils portraits esquissés en quelques pages par l’écrivain dans son dernier ouvrage Des étoiles et des chiens, 76 inconsolés. Musiciens, chanteurs, écrivains, peintres ou dessinateurs, ces artistes portent tous en eux cette faculté miraculeuse de guérir ceux qui sont en peine, d’apporter le réconfort à ceux qui tremblent. La flamme parfois fragile qui les anime, la révolte qui les pousse, la foi qui les tient debout, la musique de leur cœur sont les onguents qui soignent quand arrivent les jours de grisaille.

Cette « galerie de copains antichagrin » est un nouveau panthéon dédié non pas aux grands hommes, mais aux âmes élégantes, même les plus modestes en apparence. Il porte en lui la poésie douce-amère de la rue, une mélodie légère et entêtante, celle des moments fugaces, pourtant inoubliables. Qu’ils soient célèbres ou inconnus, qu’ils aient rencontré le succès ou ramassé les échecs à la pelle, ces personnages indispensables dégagent une force et une lumière qui poussent à les découvrir ou de les retrouver.

Des étoiles et des chiens, 76 inconsolés est la suite de 76 clochard célestes, publié en 2016 au Castor Astral. Avec cette nouvelle série d’hommages, Thomas Vinau confirme son talent de portraitiste sans crayon ni fusain. Grâce à ses mots qui racontent avec délicatesse aussi bien l’infime que le fulgurant de ses héros sans flamboyance, il se révèle être un extraordinaire donneur d’envies.

Thomas Vinau

Des étoiles et des chiens, 76 inconsolés

Le Castor Astral

208 p – 15 €