Un air d’Italie

Bella ciao est une chanson iconique de l’Italie, joyeuse et entrainante, un cliché musical qui invite à la fête. Mais c’est avant tout, dans ses différentes versions, un chant de souffrances et de révoltes, celles des mondines, ces ouvrières misérables des rizières du nord de la péninsule, ou celles des résistants antifascistes. C’est aussi la bande son de la famille de Teo, elle-même un condensé de l’immigration transalpine en France. Le grand-père arrivé au début du XXème siècle, l’oncle mort au combat en Espagne au côté des forces antifranquistes, le père qui demande et obtient la nationalité française pour échapper à l’armée mussolinienne, le cousin rocker… Les souvenirs de Teo traversent les époques et les générations, au grès de ses humeurs, du pogrom anti Italien d’Aigues-Mortes en 1893 à aujourd’hui.

La saga racontée et dessinée par Baru est une chronique familiale et populaire pleine de tendresse qui transpire l’Italie. Les époques s’entrecroisent et les styles se mélangent, du trait sobre en noir et blanc pour le présent, de la couleur ou du gris pour le passé. Derrière les destins individuels se dessine aussi une histoire plus universelle, celle de toutes les migrations, de tous les étrangers. Pour finir, Baru nous offre sa recette personnelle des cappellettes, pâtes farcies à la viande et cuites dans un bouillon de poule. Alors pourquoi s’en priver ?

Bella ciao

Baru

Futuropolis

136 p – 20 €

Paradis perdus

Le paradis pour Hortense, c’était le Costa Rica à la fin des années 70, début des années 80, ou son père travaillait. De sept à douze ans, ce fut pour elle une parenthèse merveilleuse dans un pays de cocagne. Puis la famille est rentrée en France, en banlieue parisienne et son royaume enfantin s’est soudain rétréci. Des années plus tard, au détour d’un reportage sur les services secrets français, elle croit reconnaitre un collègue de son père de la période costaricaine. Petit à petit, le doute s’insinue. Et si son père avait été un espion ? Et si l’histoire qu’elle porte en elle ne s’était construite que sur que des mensonges ? Troublée, elle se lance alors à la poursuite de ses souvenirs. Mais sa quête s’avère ardue et elle se perd à suivre les traces de ce passé qui semble la fuir au fur et à mesure qu’elle croit s’en rapprocher.

Inconstance des souvenirs tropicaux est un roman plein de charme sur l’enfance et sur ce qu’il en reste quand nous sommes devenus adultes. La recherche d’Hortense se transforme en une enquête prenante, quasi policière, la menant d’une impasse à une autre, à travers sa mémoire, à la recherche de la vérité. Un va et vient entre un jardin d’Eden peut-être fantasmé et la froide réalité, celle d’un temps pas si lointain où l’Amérique centrale était au bord de l’explosion.

Inconstance des souvenirs tropicaux

Nathalie Peyrebonne

La manufacture de livres

208 p – 16,90 €

Comédie française

Savez-vous quel metteur en scène français a inspiré Steven Spielberg pour sa saga Indiana Jones ?  Pas François Truffaut, que l’américain a fait jouer dans Rencontres du troisième type. Mais Philippe de Broca, le réalisateur de L’homme de Rio, Le Magnifique et tant d’autres comédies. Un artiste habitué du petit écran mais plutôt boudé par la critique cinéphile. Malheureusement, en France, la comédie hexagonale n’a pas bonne presse. Si on y admire le génie d’un Lubitsch ou un Capra, les auteurs « comiques » locaux sont aux mieux ignorés, au pire méprisés.

La publication de Philippe de Broca – Un Monsieur de la comédie, de Philippe Sichler et Laurent Benyayer, un ouvrage richement documenté et illustré, a le mérite de remettre sur le devant de la scène ce créateur talentueux. Les témoignages de proches et de gens du métier qui l’ont côtoyé ou qu’il a influencé (Marthe Keller, Jean-Paul Belmondo, Cédrick Klapish…), brossent le portait d’un homme avec sa part d’ombre. De Broca était une sorte de Peter Pan en perpétuel mouvement, resté bloqué entre enfance et âge adulte, sale gosse égoïste autant que généreux. Ses films sont à son image : une œuvre inclassable, entre classicisme et modernité, parfois inégale, mais riche et paradoxale. Un style élégant, brillant et bondissant où la légèreté apparente se teinte souvent de poésie et de mélancolie. Il faut voir ou revoir Le roi de Cœur, sorti en 1966, pour comprendre toute la subtilité du cinéaste. Et bien sûr se plonger dans la lecture de Philippe de Broca – Un homme de comédie. Le livre est accompagné d’un DVD du film Les 1001 nuits dans une version inédite.

Philippe de Broca – Un Monsieur de la comédie

Philippe Sichler et Laurent Benyayer

Neva Editions

336 p – 69 €