Des fêlures discrètes

Personne ne connait vraiment Paul Lambda. Derrière ce nom étrange se cache un virtuose de l’aphorisme. Selon le dictionnaire Larousse, l’aphorisme est une sentence qui résume en quelques mots une vérité fondamentale. C’est un peu court et sec comme définition et l’art de Paul Lambda est beaucoup plus subtil et poétique que cela. Les icebergs de la mélancolie est son dernier ouvrage et offre une belle moisson de micro-romans et de récits minuscules. Chacun de ses aphorismes est un voyage bref et intense, une aventure dérisoire et magnifique. Des fêlures discrètes, des absences et des fantômes, peuplent son univers, tel un beau cimetière abandonné. Paul Lambda est un promeneur mélancolique, un « gentleman-flâneur » de Montmartre qui regarde disparaitre les oiseaux et sombrer les hommes. Il aime les silences, les arbres, le clair-obscur et le café de la rue Marcadet. Il faut regarder passer Les icebergs de la mélancolie.

Les icebergs de la mélancolie

Paul Lambda

Cactus inébranlable éditions

91 p – 10 €

L’œuvre au noir

Contrition Village, une bourgade quelconque du comté de Palm Beach, en Floride, est une prison à ciel ouvert. Les autorités de l’État y assignent à résidence des pédo-criminels ayant purgé leur peine. Sous contrôle permanent de la police, ils vivent une deuxième condamnation qui n’a pas de fin. Ni pardon, ni oubli, ni rédemption possible. Quand Christian Nowak, un résident de Contrition Village accusé de pédophilie, est retrouvé mort, brûlé vif à son domicile, personne ne s’inquiète vraiment. Un criminel de moins, qui cela peut-il émouvoir ? Pourtant quelque chose cloche. Pour certains, dont Marcia Harris, reporter d’un journal local, l’incendie est trop beau pour être honnête. Quand l’autopsie révèle que le défunt n’est pas Nowak mais Olaf Gordon, un autre habitant de Contrition Village mort un mois avant, le simple fait-divers se transforme en une troublante énigme. Marcia, contre l’avis de tous, se lance dans une enquête pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.

Il existe un lieu semblable à Contrition Village en Floride, qui s’appelle Miracle. Keko, le dessinateur et Carlos Portela le scénariste, s’inspirent de cette cruelle réalité américaine pour ce roman graphique sombre et captivant, aux multiples pistes. Le dessin de Keko, d’un noir et blanc implacable, crée une atmosphère irrespirable et colle parfaitement au scénario diabolique. Le récit de Portela, tout en lenteur, construit autour de silences glaçants et de questions sans réponses, instaure une tension subtilement étouffante. Contrition est une œuvre noire, un thriller remarquable au suspense suffocant.

Contrition

Carlos Portela et Keko

Denoël graphique

168 p – 25 €

L’ami peu prodigieux

Les années 70, la classe de quatrième, le lycée d’une ville moyenne de province. Zoran et Ponthus se croisent autour d’une table de ping-pong. Zoran, le fils d’émigrés yougoslaves, Ponthus, l’enfant de la petite bourgeoisie locale, n’avaient à priori rien à partager. Pourtant, la rencontre est le point de départ d’une amitié « bancale et asymétrique » entre les deux adolescents. Mais à la fin de l’année scolaire Zoran est orienté en classe de transition, voie de garage à l’époque des élèves en difficulté, quand Ponthus reste dans la filière classique. La séparation, le temps qui passe, l’usure, éloignent irrémédiablement les garçons. Leurs liens s’effilochent. Ponthus finit par quitter sa cité ventouse où il commençait à s’engluer, pour s’installer et travailler à Paris, la métropole tentatrice. Zoran, lui, reste engoncé dans sa routine rassurante. Chacun dans leurs mondes, comme sur deux planètes éloignées, ils ne se croisent plus que par hasard. Pourtant, l’ombre de Zoran et ses secrets ne cessent de hanter Ponthus.

Les amis de passage, de Philippe Ridet, est le roman doux-amer d’une amitié en demi-teinte. L’auteur raconte les sentiments qui tiédissent, les rêves évaporés, le temps qui passe et use. En toile de fond il y a la ville provinciale, un personnage à part entière, et sa vie lente et grise. Un cocon sécurisant qui protège et une prison qui enferme et anesthésie. Un récit remarquable qui balance doucement entre passé et présent, douceur et regrets.  

Les amis de passage

Philippe Ridet

Equateurs

187 p – 19 €

Journal inconstant

Il colle au personnage de René Fallet l’image d’un écrivain un peu en marge, du genre rigolo mais pas trop sérieux. Il est vrai que ses romans adaptés au cinéma, comme La soupe aux choux ou Les vieux de la vieille, accréditent souvent l’idée d’un aimable fantaisiste. La publication par les Editions des Equateurs de son journal inédit, une suite de petits bouts éclatés de sa vie, de ses humeurs, entre 1962 et 1983, permet de découvrir un homme bien différent. René Fallet était en réalité un être autrement plus tourmenté et ambigu. Amoureux des femmes, il a passé sa vie à courir après l’amour et ses échecs, à la recherche des ombres de celles qu’il avait perdues. « L’amour n’est que tourment, et, comblé ou non, Malheur parfait ». C’était un pessimiste jovial à l’âme en perpétuel bouillonnement, passant du beau temps à la pluie ou la tempête en quelques instants. Un joyeux vivant obsédé par la mort. Mal dans son époque et souvent dans sa vie, ses refuges s’appelaient alcool, littérature ou amitié. L’amitié qui ne se brade pas, une amitié à l’ancienne, comme celle de Georges Brassens, figure régulière de ce journal inconstant. Un journal paradoxal empli de mélancolie, de rires, de colères, d’émotions et de poésie et un délice de lecture difficile à lâcher.

Journal de 5 à 7

René Fallet

Editions des Equateurs

459 p – 21 €

CDF Mag n° 1977-1978 du 7-14 avril 2022

L’art du court

A Mugron, dans les Landes, il y a des arènes, des terrains de rugby, un château, un fronton de jeu de paume et la maison d’édition Louise Bottu. Louise Bottu est une planète littéraire singulière, où la politique éditoriale est inspirée essentiellement par le plaisir de la lecture et celui de la découverte. L’humeur y est joyeuse, au grès de parutions variées dont les points communs pourraient être l’humour, la poésie, le travail sur les mots et les contraintes littéraires. Parmi les dernières livraisons de l’éditeur landais, deux courtes œuvres : Biotope et anatomie de l’homme domestique de Philippe Annocque et J’aurai été ceux que je suis de Marc-Emile Thinez.

Le livre de Philippe Annocque est un réjouissant recueil d’aphorismes sur cet étrange animal qu’est l’homme, tel qu’il évolue dans son milieu naturel, son domicile. L’être humain dans toute sa banalité et sa bizarrerie, observé dans ses différents lieux de vie par un zoologiste subtil et ironique.

L’ouvrage de Marc-Emile Thinez, quant à lui, est une collection de pastilles littéraires, petits textes carrés et graphiques à la recherche de l’essence même de cinquante personnages tirés de romans, films ou tableaux. J’aurai été ceux que je suis est un brillant jeu de piste et de mots où l’on peut croiser Bardamu, le héros de Voyage au bout de la nuit, Emile Zatopek ou Pif le chien. Entre sourire, onirisme et virtuosité, un joli exercice de style.

Biotope et anatomie de l’homme domestique

Philippe Annocque

Editions Louise Bottu

62 p – 9 €

J’aurai été ceux que je suis

Marc-Emile Thinez

Editions Louise Bottu

74 p – 8 €

CDF Mag n° 1977-1978 du 7-14 avril 2022

Aux origines de la Terre du Milieu

La bibliographie de Tolkien ne se résume pas au Hobbit et à la trilogie du Seigneur des anneaux. Derrière ces livres au succès considérable, il est une œuvre fondatrice, sur laquelle l’écrivain a travaillé toute sa vie et qui n’a été publiée après sa mort : Le Silmarillion, grâce au travail de son fils Christopher Tolkien. C’est la source de tout l’univers de Tolkien, la matrice de toutes ses légendes. Les elfes, les hommes, Sauron, l’anneau unique… tout se trouve dans le Silmarillion. L’ouvrage est le récit des origines de la Terre du Milieu, de Eru, l’Unique, à la source de toutes les vies, jusqu’à la création des anneaux et aux débuts du troisième âge. Une mythologie extrêmement riche et fascinante créée de toute pièce. Une série de récits qui peut se lire comme un seul roman ou comme un ensemble de nouvelles dans lequel le lecteur peut piocher en fonction des envies.

Les éditions Christian Bourgeois viennent de publier Le Silmarillion dans une nouvelle traduction signée Daniel Lauzon. Cette nouvelle version, fruit d’un travail d’une dizaine d’années, est un bonheur de lecture, grâce à une langue dépoussiérée et allégée. C’est un délice de se plonger ou de se replonger dans l’univers de Tolkien. Cette édition est enrichie des peintures colorées de Ted Nasmith, un artiste qui a su parfaitement retranscrire les mythes tolkieniens. L’ensemble constitue un très bel objet littéraire à offrir ou, plus égoïstement, à dévorer seul dans son coin et sans fausse honte.

Le Silmarillion

J.R.R. Tolkien

Christian Bourgeois

362 p – 39,90 €

CDF Mag n° 1961 du 9 décembre 2021

Géographie des livres

Les librairies sont des mondes à explorer, des pays nouveaux et des îles mystérieuses. Derrière chaque vitrine se cachent des femmes et des hommes de passion, prêts à accueillir l’amateur de livres, à le choyer et à l’aider. Bon, je connais bien quelques exceptions, mais n’insistez pas, je ne donnerai pas de noms. Livre d’occasions ou livres neufs, best-sellers ou livres rares, les trésors qu’elles renferment sont nombreux et infiniment variés. Chacun peut y trouver son bonheur.

Patrick Besson les aime et les fréquente depuis l’enfance. Paris, Chaudes-Aigues ou Moscou, il semble toutes les connaitre. Dans Petit éloge de la librairie il nous entraine à la découverte de quelques-uns de ces établissements, choisis au grès de ses humeurs et de ses souvenirs. Certaines librairies sont toujours vivantes, comme immuables, d’autres sont devenues des kebabs ou des boutiques de prêt-à-porter. Elles sont les jalons du temps qui passe. Ce sont des lieux de découvertes et de rencontres et l’occasion de portraits savoureux. Elles ont chacune leurs saveurs et leurs goûts propres, que Patrick Besson savoure et partage. Petit éloge amoureux de la libraire est une délicieuse et tendre balade impressionniste au pays des livres.

Petit éloge amoureux de la librairie

Patrick Besson

Privat

182 p – 17,90 €

CDF Mag n° 1957 du 11 novembre 2021

Essai transformé

« Sportifs et intellectuels vivent dans deux mondes séparés par une suspicion réciproque » a écrit Andrew Mulligan, ancien international du XV d’Irlande devenu journaliste. Pourtant, en matière de rugby, ces deux mondes se sont souvent entrecroisés, attirés, voire admirés. Sport de paradoxe, fait d’affrontement et d’évitement, le rugby porte en lui le bruit et la fureur des combats guerriers et le romantisme des chevauchées arrières ; la brutalité d’une percussion et la grâce d’une passe au cordeau. Il n’est pas étonnant qu’il ait passionné tant d’auteurs. Blondin, Mac Orlan, Gracq, Giraudoux… ils sont nombreux à avoir aimé et raconté ce jeu. Mais cette attraction est réciproque et l’ovalie a souvent lorgné du côté de l’écriture. Au-delà des biographies obligées de quelques vedettes, certains sportifs ont franchi le pas littéraire, comme Denis Charvet ou Daniel Herrero, sans compter ceux qui ont tâté du journalisme.

Dans Jeux de Lignes, Richard Escot et Benoit Jeantet se sont penchés sur les relations entre ces deux univers, pour un passionnant essai organisé autour de plusieurs thèmes, comme la politique, la nostalgie ou les écritures numériques. En creux, un superbe hommage à cette étrange activité où de doux dingues n’hésitent pas à se faire mal pour attraper une balle qui n’est même pas ronde.

Jeux de lignes

Richard Escot – Benoit Jeantet

Privat

256 p 18,90 €

CDF Mag n° 1954 du 21 octobre 2021

Contes de la lune bleue sous la neige

Villebasse est une petite ville de province parmi tant d’autres, perdue au cœur d’une vallée anonyme. Une ville glue, que ses habitants ne peuvent quitter et où les étrangers restent scotchés à jamais. Une ville froide, anesthésiée par un hiver glacial qui engourdit corps et âmes et semble devoir durer toujours. Une ville où les espoirs s’éteignent et les envies s’étiolent. Rose, Ben, Coline et tant d’autres, chacun se débat contre un destin qui les assigne à résidence, insectes prisonniers dans un bocal d’apparence hermétique. Un jour, il y a quelques années de cela, une mystérieuse lune bleue surnuméraire s’est levée, dont la lueur bizarre semble avoir tout détraqué. Puis Le Chien est arrivé, animal énorme et inquiétant, sans maître ni attache. Chasseur ou gardien, vengeur ou protecteur, nul ne le sait vraiment. Sa silhouette massive et mouvante hante la cité comme une divinité païenne, tour à tour menaçante et porteuse d’espoir.

La ville, Le Chien et la lune bleue sont les cœurs de Villebasse, de Anna de Sandre. Ils sont les totems autours desquels tournoient de nombreux personnages dont les histoires s’ignorent, se croisent ou se combinent, formant la trame d’un récit aux multiples sonorités. Ce premier roman composé par Anna de Sandre est une musique riche et obsédante. Une œuvre réaliste et onirique, à la sombre beauté poétique, qui happe et emporte.

Villebasse

Anna de Sandre

La manufacture de livres

224 p – 18,90 €

CDF Mag n° 1947 du 2 septembre 2021

Green et châtiment

Vous avez des tendances homicides prononcées mais vous ne supportez pas la vue du sang ? Vous haïssez le genre humain dans son ensemble mais l’idée de passer à l’acte vous fatigue d’avance ? Alors le livre La mort par les plantes de Helmut Eisendle est fait pour vous. Tel un herbier peu recommandable mais superbement illustré, l’ouvrage compile en 33 fiches tout ce qu’il faut savoir sur les plantes toxiques. Noms, propriétés, effets, modes d’emplois et cas pratiques, vous n’ignorerez bientôt plus rien de ces fruits défendus. Grâce aux connaissances ainsi acquises, vous pourrez enfin prendre votre destinée en main et vous débarrasser tranquillement de tous les importuns qui polluent votre horizon. Comme l’écrit l’auteur « Le savoir, c’est-à-dire la connaissance des possibilités d’opérer une destruction absolue, est de manière évidente un moyen de remporter la victoire sur un adversaire ».

L’Autrichien Helmut Eisendle, décédé en 2003, était mécanicien informatique, biologiste, docteur en psychologie et en philosophie. Il a écrit une quarantaine de livres. La mort par les plantes est (hélas) sa seule œuvre traduite en français. Entre poésie, humour, réflexion et botanique, c’est le recueil indispensable aux révoltés apathiques et aux misanthropes paresseux.

La Mort par les plantes

Helmut Eisendle

Vies Parallèles

160p – 20 €

Le monde des livres

Les livres sont mondes étranges et magiques. Ils offrent à leurs lecteurs des saveurs, des parfums familiers ou inconnus. Clémentine Mélois est tombée dedans quand elle était petite, tel un certain gaulois tombé dans la potion magique (la comparaison s’arrête là). Il y a pire addiction. Pour notre plus grand bonheur, elle a décidé de partager cette passion, de parler de ces ouvrages aimés, comme on ferait goûter ses plats préférés à des amis. Tolkien l’initiateur, Perec ou Francis Ponge, Astérix, Maigret ou le capitaine Achab, l’inventaire est long et éclectique. Ces œuvres sont des voyages, des allers-retours entre quotidien et rêve, vie d’adulte et enfance. La lecture se transforme alors en une expérience sensorielle durant laquelle le temps devient élastique. Qu’il soit de poche ou relié cuir, l’objet imprimé lui-même a quelque chose de magique, de fascinant, qui justifie aisément le doux fétichisme des amoureux de littérature.

La dernière création de Clémentine Mélois s’intitule Dehors, la tempête. Après cette tourmente silencieuse et inquiétante qui a frappé à nos portes, elle rappelle, avec tendresse, humour et un brin de nostalgie, à quel point un livre peut être un refuge apaisant. Elle nous invite à relire ceux qui ont compté. Elle nous pousse à partir à la découverte d’auteurs inconnus et de nouveaux personnages, pour mieux entrer dans leur univers et par-là même de les inviter dans le nôtre. Tout un programme de plaisirs à venir, de bonheurs à partager.

Dehors, la tempête

Clémentine Mélois

Grasset

192 p – 17 €

Narration désynchronisée

Le métier de romancier est plus compliqué que l’on ne l’imagine. Surtout quand les personnages de la fiction littéraire échappent à leur créateur et n’en font qu’à leur tête. C’est ce qui arrive au héros de Albert et l’argent du beurre de Laurent Rivelaygue. Il se rêvait en fabriquant de best-sellers, riche et adulé. Le voilà condamné à courir après ses propres créatures, se bagarrer contre elles, réparer les catastrophes qu’elles provoquent ou subissent. Démiurge impuissant, il en est réduit à essayer de renouer tant bien que mal les fils d’un récit parti dans tous les sens.

Albert et l’argent du beurre est un roman loufoque et singulier. Vu de loin, il ressemble à du grand n’importe quoi, mais c’est en réalité une œuvre parfaitement maîtrisée. Une littérature approximative brillamment organisée, inventive et d’une réelle drôlerie. Le combat du pauvre plumitif dépassé devient une sorte de concours de narration désynchronisée où l’auteur (celui de chair et d’os, pas l’autre malheureux) secoue la langue française à grands coups de néologismes, pléonasmes et autres bizarreries stylistiques, à en rendre fous les membres de l’Académie française. Il est malheureusement à craindre que Laurent Rivelaygue soit le fruit, caché et indigne, de l’union contre nature de Jean-Baptiste Botul, Pierre Desproges et des Nuls, voire même pire. La lecture de son dernier ouvrage, à l’humour absurde, potache et déjanté, est en tout cas la meilleure des façons de lutter contre la morosité ambiante, en se tenant les côtes dans de grands éclats de rire.

Albert et l’argent du Beurre

Laurent Rivelaygue

Éditions du Sonneur

224 p – 15 €

Domination

Au nord du Québec les habitants de la petite ville de Roberval traînent leur ennui au bord du lac Saint-Jean. Une société de soumission où le quotidien pèse et anesthésie comme la neige engourdit. Dans cette région austère, l’avenir se dessine en gris terne. A la scierie, un des principaux employeurs du coin, les salariés sont en grève et le conflit social s’éternise et se durcit. Parmi les grévistes, il y a Querelle, beau et hédoniste colosse venu de Montréal, et Jézabel la rebelle. Deux âmes libres et solaires coincées dans une société engoncée dans ses tristes conventions. Mais que valent ces individus de peu, ouvriers méprisés, indigènes déclassés, face à la logique du profit pur, celle de la réduction des coûts et de l’ubérisation en marche ? Dans un affrontement de plus en plus tendu, tous les coups sont permis contre les grévistes. Pendant ce temps les autorités regardent ailleurs. A la brutalité des rapports de domination, imposée par les pouvoirs économiques et politiques, répond alors la colère de ceux qui n’ont plus ni parole ni espoir. Une lutte inexorable s’engage, âpre et frontale, qui ne peut se terminer que par un drame.

Kevin Lambert est un jeune écrivain québécois et Querelle est son deuxième ouvrage. C’est une tragédie sociale et érotique, entre Zola et Jean Genet, qui empoigne, trouble et secoue. Un récit puissant et cru, à l’écriture ironique, violente et sensuelle. Un roman que l’on prend comme une claque et que l’on referme groggy, abasourdi.

Querelle

Kevin Lambert

Le nouvel Attila

256 p – 18 €

Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1867 du 21 novembre 2019

Revue et approuvée (2)

Le Bouclard Nouveau est arrivé. Contrairement au Beaujolais nouveau qui sent forcément la banane, Bouclard a le parfum doux et changeant des livres aimés. En vieil argot, un bouclard désignait une librairie. Donc, forcément, Bouclard parle de livres et de littératures. Dans ce deuxième numéro, Emilie Houssa est partie à Illiers-Combray, dans une poétique recherche du proustien perdu. Cyril Gray a traversé l’Atlantique jusqu’à Cali, pour y rencontrer Hermán Hoyos, sorte de Douanier Rousseau colombien de la pornographie underground. Joël Langonné a laissé vagabonder sa pensée, dans un réjouissant coq à l’âne bibliophile. Avec, cerise sur le gâteau, les participations de la bibliothèque de Quentin Faucompré, des dessins de War and Peas et des poèmes de Maude Veilleux.

Tout ça pour dire que Bouclard est une revue joyeusement curieuse et éclectique. Elle est vendue dans les meilleures libraires de la galaxie. Il est aussi possible de la commander sur le site de Bouclard Éditions : www.bouclard-editions.fr.

Bouclard

Revue semestrielle

Bouclard Éditions 

10 € le numéro