Le Mister de l’Ouest

Chez les McLaughlin, immigrants irlandais échoués à Albuquerque au Nouveau-Mexique, la vie est dure au début des années 50. La mère, Maureen, subvient péniblement aux besoins de son mari, handicapé sans ressources, et de ses deux enfants, en faisant les ménages chez le vieux Leroy Parker et quelques autres personnes âgées. Leroy et Maureen se lient d’amitié. Un jour, il lui avoue son incroyable secret : il est le célèbre bandit Billy the Kid, officiellement abattu par le shérif Pat Garrett en 1881. Les liens se tissent entre l’ancien, dont la langue se délie doucement, et la famille McLaughlin, tour à tour effrayée et fascinée. Les péripéties rocambolesques de la vie du hors-la-loi font souffler sur ce petit monde le vent de l’histoire et du rêve.

Luc Baranger, dans L‘extravagant Monsieur Parker, recolorie en sombre les westerns made in Hollywood. Leroy Parker est un inquiétant Père Noël qui débarque sans prévenir avec une hotte remplie de récits de bruit et de fureur. Les fées ont été remplacées par les héros ambigus de la conquête de l’Ouest : Butch Cassidy, le Sundance Kid, Wyatt Earp, Doc Holliday… Les défenseurs de la loi ont les mains aussi sales que celles des desperados qu’ils sont censés traquer. Et les indiens sont déportés et massacrés dans l’indifférence générale. Mais le côté obscur de la conquête de l’Ouest n’empêche pas la légende. Luc Baranger ressuscite brillamment la magie de ces épopées romanesques, au parfum enivrant d’aventure. L’extravagant Monsieur Parker est aussi une délicieuse et nostalgique madeleine au goût d’enfance, celle des histoires de cowboys et d’indiens et des films de John Ford ou de Raoul Walsh.

L’extravagant Monsieur Parker

Lux Baranger

La Manufacture de Livres

224 p – 18,90 €

La voie du Nord

C’est quoi l’avenir pour un gosse de prolos du Nord, un gavroche ch’ti condamné à grandir entre terrils et sanatoriums ? Un futur sombre comme le ciel de là-bas, qui ne laisse aux moins bien armés que le choix entre cirrhose et silicose. Un rêve poisseux qui colle aux pieds, une boue gluante qui enkyste. Heureusement il y a les potes, les rades, les virées et les cuites. Il y a le rock’n’roll, les rêves d’évasion, les chemins de traverse. Et des voies sans issues, des destins fracassés.

Hénin Liétard a connu cette enfance de grisaille, avant de s’enfuir vers des contrées plus accueillantes, qu’elles se nomment Hara-Kiri ou Fluide Glacial. Son dernier roman raconte beaucoup de ces errances et de ces vies embourbées dans un quotidien qui les dépasse. S’il est parti aujourd’hui du côté du soleil, il ne renie pas sa famille, ce petit peuple malmené par la brutalité économique, écrasé par la cruauté, celle des rapports sociaux, celle de l’enfance, celle des plus pauvres. Marcher sur les bas-côtés est une odyssée bancale, un parcours titubant d’un bar à l’autre, plein de tendresse, au pays de l’ennui. Une ode émouvante à ces héros fragiles et dérisoires que l’auteur a tant aimé côtoyer. Une épopée au lyrisme de comptoir un peu crade, à la poésie de gueux.  Chez Hénin Liétard ça sent la bière et le tabac froid, dehors le temps est gris, triste et humide. Mais l’accueil y est chaleureux, la camaraderie soutient les âmes. Quant au patron, ne vous fiez pas à son air bourru, c’est un puits de chaleur humaine.

Marcher sur les bas-côtés

Hénin Liétard

Éditions le Dilettante

256 p – 18 €

Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1851 du 27 juin 2019