Et si le rugby, plus qu’un sport d’affrontement, était d’abord un sport d’émotions ? Un sport d’enfants rêvant d’exploits, d’adultes restés enfants, de vilains vieux pleins de souvenirs. Si le rugby était une philosophie, peut-être même une religion vouée au culte du ballon ovale ? Une religion déraisonnable, certes, mais faite de solidarités, de joies, de complicités, de partages et de bavardages. Mais aussi de gueules de bois, celles des grandes défaites ou des troisièmes mi-temps trop arrosées, de côtes en vrac, de peurs et de regrets. Si le rugby était un parfum ? Celui de l’huile de camphre, celui des pelouses trop sèches ou trop humides. Si c’était une musique ? Celle des crampons qui claquent à la sortie des vestiaires, celle des mêlées qui s’entrechoquent. Le rugby de Benoit Jeantet, c’est tout cela et bien plus. Le ciel a des jambes est un recueil de nouvelles qui raconte avec tendresse et poésie les hommes et les femmes qui font le rugby, tous si dissemblables et pourtant si proches, peuplant une planète bizarre où tout ne tourne pas rond et s’est parfait ainsi. Oubliant l’image médiatique de ce sport, scintillante mais tellement réductrice, l’auteur nous parle du rugby des petits clubs, avec leur quotidien, leurs figures rassurantes, leurs légendes minuscules, leurs héros de séries régionales et leurs anonymes. Les personnages de ses nouvelles, on peut les croiser au bistro du coin, sur le bord d’un terrain à moitié pelé, dans la rue, dans un bureau ou dans les champs. C’est peut-être ce grand deuxième-ligne qui a l’air un peu con ou ce vieil italien. C’est un monde comme une équipe, avec ses différences et ses contradictions, où chacun a sa place et où tous se complètent.
Le ciel a des jambes
Benoît Jeantet
Les éditions du volcan
214 p -16 €