Comme l’éléphant, le tardigrade est irréfutable. Le tardigrade, appelé aussi ourson d’eau, est un minuscule animal doté d’une extrême résistance. C’est tout le mérite de Pierre Barrault de nous le faire enfin découvrir, tout au moins dans sa version vaguement humaine. Tardigrade (le livre) est le journal personnel de cet être bizarre, situé à l’opposé du pachyderme dans le règne animal, et donc tout aussi essentiel.
Le livre se présente comme une sorte de carnet intime, une suite de vignettes centrées autour de la vie quotidienne de la créature. Un quotidien bien étrange, un univers mouvant, où les objets et les gens ne sont pas ce que nous croyons qu’ils sont. Les chats deviennent des chiens et les pandas sont alternativement noirs, puis blancs, puis à nouveau noirs. Le tardigrade lui-même est protéiforme. Il peut devenir mou, perdre une partie de ses pattes (il en a huit) puis les retrouver, ou voir son épaule se décoller. Ses contours sont vagues et son identité est incertaine : « La matière dont mon corps est constituée ne m’appartient pas. Je ne fais que l’emprunter et n’ignore pas qu’il me faudra la rendre un jour. Mais à qui – à quoi ? ».
Tardigrade, premier opus de Pierre Barrault, est une œuvre singulière. C’est la chronique joyeusement décousue et poétique de la vie de la petite bête et de son monde mystérieux et absurde. Un univers plein de fantaisie qui oscille entre Lewis Carroll et les Monty Pithon, avec un zeste d’Alfred Jarry. Un court roman, à l’écriture vivifiante et pleine d’humour, qui rend un hommage mérité à cette espèce microscopique trop souvent ignorée.
Laurent Gourlay
Tardigrade
De Pierre Barrault
L’Arbre Vengeur
128 p 10 €
Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1715-1716 du 7-14 juillet 2016.