Joyeux Noëls

Les Limericks sont de courts poèmes typiquement anglais popularisés par Edward Lear, un écrivain et illustrateur du XIXème siècle. Ils se présentent sous forme de pièces rimées de cinq vers, le plus souvent irrévérencieuses, voire obscènes, racontant de petites histoires pleines de « nonsence », une forme d’humour proche de l’absurde, dans l’esprit de l’Alice de Lewis Caroll.

Élodie Gillibert s’est lancée le défi d’écrire ses propres Limericks, travail d’autant plus ardu que chacun de ses textes est écrit en anglais et en français. Quand on connait la différence de sonorité entre les deux langues, on mesure la complexité de la mission qu’elle s’est assignée. Heureusement, le pari d’Elodie Gillibert est largement réussi avec ce recueil de Limericks faussement légers, à la réjouissante bizarrerie. Les dessins de Marc Guerra, telles les illustrations d’un énigmatique dictionnaire, soulignent parfaitement la gaîté paradoxale de ces petites poésies.

The sad story of Christmas Carol Lewis / La triste histoire de Noël Charles Lewis

Elodie Gillibert & Marc Guerra

Le bousquet-La barthe éditions

29 p – 9€

Meilleurs ennemis

On ne choisit pas sa famille. En revanche, on a toujours le choix de ses ennemis, donc autant les sélectionner avec tact. Combien d’inimitiés ont été gâchées bêtement faute d’avoir su choisir un adversaire à la hauteur. Nicolas Moog et Gilles Rochier n’ont manifestement pas ce souci. Ils se détestent, mais avec ferveur, se haïssent avec talent. Et comme ils ne sont pas bégueules, ils ont décidé d’un commun désaccord de partager leur exécration mutuelle dans un album qu’ils ont sobrement intitulé L’autre con.

Mélange de dessins moqueurs et d’échanges de textos hargneux, L’autre con est la chronique joyeusement irrespectueuse d’une fausse animosité entre deux artistes qui s’admirent en vrai mais n’osent pas trop le crier sur les toits. Quand la mauvaise foi devient un art jubilatoire.

L’autre con

Nicolas Moog et Gilles Rochier

Editions Rouquemoute

84 p – 9 €

La voix de son maître

Baptiste est un imitateur talentueux mais sans public, qui peine à vivre de son art. Il ne contrefait que des personnages oubliés ou démodés. Un jour, il est abordé par Jean Chozène, un célèbre romancier, qui lui propose un étrange marché : prendre sa place au téléphone. L’écrivain pourra ainsi se consacrer pleinement à la rédaction de son dernier ouvrage. Baptiste devient donc la voix du grand auteur, celle qui répond à la famille, aux gens du métier, aux amis ou aux fâcheux, sans que personne de se rende compte de la supercherie. Plus le temps passe et plus Baptiste prend de l’assurance. Il se glisse lentement dans la peau de Chozène, jusqu’à prendre sa place. L’artiste en galère se transforme petit à petit en une sorte de démiurge fasciné par son pouvoir. Jusqu’à qu’à la perte définitive d’équilibre…

Le répondeur, de Luc Blanvilain, est une comédie de mœurs ironique et moderne, qui parle de l’identité et de l’illusions, du besoin frénétique de paraître, d’exister à tout prix aux yeux du monde, jusqu’au risque de se perdre. C’est aussi une réflexion pleine d’humour et d’acuité sur la création artistique. Celle de l’homme de lettres reconnu et respecté ou de son double vocal passant de l’ombre à la lumière, du statut de « larbin sonore » à celui d’interprète virtuose. Un récit vif, plein de rebondissements et joyeusement enlevé.

Le répondeur

Luc Blanvillain

Quidam éditeur

260 p -20 €